1 - Généralités 2 - Format des livres imprimés en Avignon 3 - Impression d'un livre 4 - Quantité de papier nécessaire aux imprimeries en Avignon 5 - Références |
Au XVIIIe siècle, l'activité d’imprimerie dans le Royaume de France est bien encadrée : le nombre des imprimeurs est limité : 36 à Paris, 18 à Lyon et Rouen,
12 à Bordeaux et à Toulouse… A cette limitation s’ajoute le droit de de publier ou « privilège » accordé par la Chancellerie du Roi et qui est sensé protéger le libraire contre les contrefaçons
d’une publication mais qui est surtout un instrument politique de contrôle et de censure. Cette réglementation crée des monopoles au profit de certains imprimeurs,
proches du pouvoir, ce
qui favorise grandement les imprimeurs parisiens. Les imprimeries de Province sont condamnées à imprimer des notices locales, des catéchismes, à faire des contrefaçons ou à imprimer des livres
interdits en prenant des risques.
Les imprimeurs sont aussi libraires et vendent leurs propres impressions mais aussi celles de leurs collègues.
Les imprimeurs-libraires d’Avignon n’ont pas ces contraintes. Le pouvoir locale est partagé entre trois entités qui sont incapables de donner une autorisation de publication. Certains libraires iront très loin par exemple JF Offray, imprimeur et libraire du Saint Office publiera des livres protestants ce qui le conduira à l’exil à Genève (avec l'aides des jésuites !). Le nombre de libraires-imprimeurs passera de 5 en 1730 à 24 en 1760 pour redescendre à 15 à la fin du siècle. Bien sur il faut aussi considérer le nombre de presses par imprimerie. Il n’empêche que l’activité est florissante au milieu du XVIIIe siècle et que son activité se situe derrière l’activité parisienne. Cependant le nombre de livres publié sous l’étiquette à « Avignon » est très faible. Marie Pellechet1 à la fin du XIXe siécle s’étonnera de la faiblesse du nombre de livres publiés en Avignon et déposés à la bibliothèque Inguimbertine à Carpentras. Plus récemment René Moulinas 2 a défendu la thèse que les imprimeurs en Avignon s’étaient spécialisés dans la contrefaçon de livres publiés essentiellement à Paris. Un livre anonyme 3 publié en 1758 décrit les mécanismes de production et de vente des contrefaçons avignonnaises à travers le Royaume de France. |
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Le décès en 1744 de JP Offray, libraire en Avignon, va donner lieu à un inventaire de son activité professionnelle. Dans la boutique, 4600 livres imprimés par ses soins sont trouvés, de formats divers ce qui permet de déterminer le format des livres imprimés qui est sans doute représentatif de la production éditoriale des imprimeurs en Avignon. La moitié des livres sont au format in-12 (16x9 cm environ) et un quart au format in-24 (15x7 cm) Nous nous intéresserons plus particulièrement aux livres de format in-12.
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L’imprimeur va recevoir du papetier une quantité de feuilles qui sera comptée en main (25 feuilles) et en rames (500 feuilles). Dans une très grande majorité des cas c'est une sorte de papier dit carré (ou batard) identifiée par un filigrane représentant une grappe de raisin et dont la feuille de papier a pour dimensions 52 x 41 cm approximativement car les bords de la feuille sont festonnés. Il va vérifier la qualité du papier et les contremarques du papetier. Le dessin ci-dessus montre une feuille typique et la disposition générale des filigranes et contremarques dans une telle feuille (suivant le règlement de 1739 du Royaume de France). Feuille de la sorte "carré" ou "batard" pour l'imprimerie. La disposition générale des filigranes et contremarques est indiquée. Les lignes verticales sont les marques laissées par les pontuseaux (voir la section "Généralités sur les moulins à papier). L'imposition consiste à positionner le texte d'un ouvrage à imprimer sur cette feuille recto verso. Le nombre de pages par feuille fixe le format du livre. 4 Dans le cas du format in-12, l'imposition la plus simple est d'imprimer 12 pages au recto de la feuille et 12 pages au verso, disposées astucieusement de façon qu’après pliage de la feuille, les pages se succèdent dans l’ordre de 1 à 24 pour former un "cahier". (attention : la feuille est tournée de 90° par rapport à l'image précédente, la hauteur est horizontale) Il est indiqué la position des filigranes et contremarques par rapport aux pages. Il faut consulter les pages 22 et 23 d’un cahier pour trouver la contremarque du papetier. Ainsi si la feuille a une longueur de 52 cm et une hauteur de 41 cm, la dimension de la page brute est de 52/3 = 17,3 cm par 41/4 = 10,25 cm . Les dimensions finales sont plus petites par rognage des pages. (voir exemple ci après). Aprés impression, la feuille est pliée pour former un cahier selon la technique suivante : Pliage 1 : on part du verso (à gauche sur la figure) : la page est pliée verticalement en son milieu (pages 3,10,7 sur 2,11,6) Pliage 2 : On plie le tiers supérieur sur la partie centrale (pages17 et 8 sur 16 et 9) Pliage 3 : On plie horizontalement par le milieu (pages 5 et 20 sur 4 et 21, nous avons les pages 12 et 13 Pliage 4 : On plie verticalement la page 12 sur la page 13 Nous retrouvons la page 1 et toutes les pages dans le bon ordre ! Ce pliage en 24 pages constitue un cahier qui est indiqué au bas de la premiére page par un lettre A,B,C,….(C’est la signature du cahier). Le livre est ainsi constitué de N cahiers superposés qu’il va falloir coudre et coller ensemble, travail réalisé lors des opérations de brochage et de reliure. Exemple du cahier, avec la signature M, reconstitué à partir d’un livre du XVIIIe siècle posé sur une feuille papier carré. La dimension de la page est de 16,2 x 9,5 cm. Il existe des variantes de pliage pour former un cahier ou plusieurs cahiers que nous ne décrirons pas. |
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Soit un livre de 312 pages à imprimer au format in-12. Nous avons vu qu'une feuille de papier dit "carré" contient 24 pages. Pour imprimer un volume de ce livre, il faut 312/24 = 13 feuilles papier "carré" Si le tirage est de 2 000 volumes, il faut 2000x13 = 26 000 feuilles. Supposons que cette imprimerie publie 10 titres par an à 1 seul volume, il faut 260 000 feuilles. Si il y a une vingtaine d’imprimeries en Avignon, il faut 5 200 000 feuilles par an! Or un moulin à papier à une cuve peut produire 1 500 à 1 800 feuilles par jour soit 540 000 feuilles papier "carré" par an (sur 300 jours maximum car il faut décompter les dimanches, les fêtes locales, les périodes de sécheresse, de gel,….). Il faut donc un minimum de dix moulins à papier qui ne fabriqueraient que cette sorte da papier pour satisfaire les besoins des imprimeries d’Avignon. Or les 12 moulins du Comtat ne sont pas spécialisés dans le papier d'impression et produisent beaucoup de sortes de papier (écriture, pliage,carte à jouer,..). Le Comtat doit donc importer du papier du Royaume de France. |
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1 - M. PELLECHET, Notes sur les Imprimeurs du Comtat venaissin et de la Principauté d'Orange et catalogue des livres imprimés par eux qui se trouvent à la bibliothéque de Carpentras, Paris, Alphonse Picard editeur,1887. 2 - René MOULINAS, L'imprimerie, la librairie et la presse à Avignon au XVIIIe siècle, Grenoble, Presse Universitaires de Grenoble,1974 3 - X, REMARQUES sur les DOMMAGES que l'Imprimerie d'Avignon caufe à la Librairie Francoife et NOTAMMENT sur le préjudice qu'elle porte aux villes de Paris et de Lyon,editeur anonyme, 1758. 4 - DARUTY DE GRANDPRE (Marquis),Vade-mecum du Bibliothécaire, Paris, EM.Paul et Fils,et Guillermin, 1897 |
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